Le goût de l’école

Et si la créativité influait sur le goût de l’école, pour ainsi grandir et s’épanouir tous ensemble!

Sylvie Ouellet

L’auteure, Ph.  D. en psychopédagogie, est professeure en adaptation scolaire à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Ses recherches portent sur la relation authentique et sur le développement de la personne à l’aide d’approches créatives. Elle est membre de la Chaire de recherche Normand-Maurice et du Laboratoire international sur l’inclusion scolaire (LISIS). Elle est l’auteure du livre Soutenir le goût de l’école publié aux Presses de l’Université du Québec.

Entrer à l’école pour un jeune enfant et ses parents semble devenir de plus en plus une expérience anticipée avec crainte. Pour un enseignant novice, entrer dans la profession est aussi un moment important, parfois euphorique, assurément anxiogène, où son sentiment de compétence est souvent mis à l’épreuve. On peut donc penser que faire ses premiers pas dans le monde de l’École implique une transition, un passage, et comme le mentionne Antoine Baby, du point de vue sociologique, il s’agit bien d’une immigration vers un nouveau pays.

Depuis plusieurs décennies, la réussite éducative et le décrochage scolaire sont fréquemment cités dans les médias québécois et sur la place publique. D’ailleurs, il est important de mentionner que le taux de décrochage des élèves se rapproche d’une façon inquiétante de celui des jeunes enseignants, soit d’environ 25 % selon les régions ou les quartiers de grandes villes. Où est le problème? Est-ce dans la façon de motiver les jeunes, dans les projets qu’on leur propose ou encore dans la culture même de ce peuple de l’École, comme l’appelle Jacques Salomé? L’École concerne ici tous les ordres d’enseignement, du primaire, incluant le préscolaire, à la formation universitaire. Pour travailler d’une façon inspirante avec les jeunes, qu’ils soient en difficulté ou non, il est important de se connaître soi-même, de nourrir le goût de comprendre ce qu’est « Apprendre », et de développer une curiosité envers le défi qui attendent les élèves ou les étudiants de toute provenance. Est-ce que la créativité apporterait un élément de réflexion à explorer pour donner et soutenir le goût de l’école?

La société, en général, a besoin de personnes créatives. La créativité est mentionnée dans tous les contextes et à toutes les sauces depuis des décennies. Or, il serait important de la définir en quelques points. À l’instar de plusieurs spécialistes du domaine, la créativité est un espace d’ouverture, une façon de voir le monde différemment, c’est repousser les frontières et sortir des zones de confort, des références ancrées. Si on applique la créativité à la personne, ça implique voir la vie et son propre métier avec toutes les possibilités et les défis coexistants dans un même rapport à la société. Plus spécifiquement en enseignement, le « maître d’école » créatif chercherait à intégrer les connaissances et les techniques ainsi que les compétences professionnelles qu’il devra développer tout au long de sa vie, et cela afin de se former une personnalité unique. Ce dernier ne se limiterait pas à reproduire. Au contraire, il aurait besoin de s’approprier une démarche, un contenu, une façon de faire très personnelle qui le différencierait des autres enseignants. L’enseignant créatif aime réfléchir sur la façon de faire les choses pour atteindre les meilleurs résultats. Il aime jongler avec les défis et résoudre des problèmes. La personne créative, comme le précise Camille Carrier et Sylvie Gélinas (2011) tolère l’ambiguïté, la complexité, elle développe ainsi une tolérance au risque. Elle accueille la « différence » et les situations floues en s’engageant dans des activités qui mettent le plaisir d’apprendre, de découvrir et de résoudre des problèmes au premier plan. Ce point semble des plus importants en enseignement, en particulier avec les enfants provenant de milieu vulnérable. Pour terminer, un aspect important de la personne créative est sa capacité à rêver, rêver d’un monde meilleur, rêver… à un monde meilleur pour les familles, pour ses élèves, pour ses collègues et pour la société en général.

En conclusion, pour aider les enfants et les parents à vivre une école plus harmonieuse et comprendre qu’il faut beaucoup de courage pour y entrer, nous devons comprendre que les changements ne doivent pas nécessairement venir de l’extérieur, mais plutôt d’attitudes, de confiance en soi et en l’autre et surtout d’une grande sincérité dans les buts que nous poursuivons collectivement. En ayant développé notre propre créativité, j’aime imaginer que l’enfant voit « […] dans les yeux de l’adulte qui l’accompagne dans sa démarche “du grandir” la fierté authentique, et que celle-ci réussisse à rejoindre sa conviction interne que tout être humain doit se battre contre des obstacles. La croyance que seuls les meilleurs survivent lui fait perdre le rêve de l’innocence (Ouellet et Poliquin, 2013, p. 89).  À nous de porter ce regard de compréhension et de fierté aux élèves dès leur premier pas à l’école. Ainsi, nous contribuerons à faire de l’École un lieu pour grandir et s’épanouir tous ensemble. »

Sylvie Ouellet, Ph. D. MTA, psychopédagogue et musicothérapeute

Sylvie.Ouellet@uqtr.ca

Mots-clés : , , , , , , ,