L’effet placebo : le pouvoir de la pilule vide

De Amnon Jacob Suissa

Durant la deuxième guerre mondiale, une infirmière qui assistait un anesthésiste du nom de Henry Beecher réalise que le stock de morphine est vide. Traitant un soldat blessé, elle le rassure en lui disant qu’il recevra une injection d’anti douleurs. Dans les faits, elle lui injecta de l’eau salée. De manière surprenante, ce rituel d’injection soulagea l’agonie dans laquelle le soldat était plongé, prévenant ainsi un choc. De retour à Harvard, Beecher écrivit un article sur l’effet placebo qui fit sensation.

Effet psychophysiologique, le placebo correspond à la confiance qu’attribue le participant au produit. Il est généralement présenté au patient comme « efficace » alors qu’il est dénué de principe actif. Un chercheur italien, Fabrizio Benedetti de l’Université de Turin, a depuis longtemps dénoncé l’industrie pharmaceutique qui reléguait cette réalité à un trait psychologique du sujet en démontrant que l’effet placebo avait des fondements neurologiques, le cerveau produisant ses propres substances analgésiques : les opioïdes et les endorphines. Comme avec les casinos, force est de reconnaître que la finalité première des compagnies pharmaceutiques est d’abord et avant tout le profit. Ainsi, on peut mieux comprendre l’absence d’acteurs prêts à s’engager dans le financement d’études en lien avec le placebo. Or, il est temps de considérer les réalités subjectives que sont la conscience et l’esprit dans notre rapport avec les médicaments.

Amnon Jacob Suissa est l’auteur de plusieurs articles et ouvrages scientifiques sur le processus de médicalisation des comportements compris comme des pathologies, notamment Le monde des AA (2009).

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